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 Les mal aimées

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Lila Nabokov

Lila Nabokov



Messages : 7
Date d'inscription : 29/11/2020

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Sujet: Les mal aimées
Lun 7 Déc - 19:10

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les mal aimées
Chaque histoire possède son monstre, qui les a rendues dures plutôt que courageuse, et alors elles ouvrent leurs cuisses plutôt que leur coeur, là où est blottie et cachée la petite fille du passé
@"Lila Nabokov" & @"Messaline Maraï"

   Elle a paniqué, elle a pleuré ; hier, lorsqu’il lui avait demandé de manger le repas qu’il avait préparé dans l’appartement, elle avait dit qu’elle n’avait pas faim et il avait fait les gros yeux parce qu’elle devait manger, c’est une obligation Lila, tu ne pèses rien. Tu ne voudrais pas que je te casse les côtes quand je t’enlace. Il avait toujours des beaux mots pour traduire les moments où elle devait s’allonger sur le matelas ou sur lui, c’était selon son humeur. Elle avait répété qu’elle avait pas faim, qu’elle avait déjà avalé une pomme et bu un peu de tisane, du thé aussi. Ce n’est pas suffisant. Il avait tonné, il avait grondé, elle avait baissé la tête. A partir de demain tu mangeras au réfectoire. Elle avait pleuré de plus belle, suppliant qu’elle ferai des efforts. Mais, intraitable, il était parti dans son bureau avec les autres qui travaillaient avec lui.

Elle peut voir les fleurs qui bruissent sous les voiles des nuages, la luminosité macabre de l’hiver, de l’automne, Lila n’aime pas ce temps grisâtre mais elle aime la pluie quand elle l’écoute du haut de sa tour, près de la fenêtre, sur le canapé, Grisha est là parfois aussi, il dépose ses dossiers sur la table et il remplit des feuilles et des feuilles tout en lui parlant, ce qu’elle préfère c’est quand il lui raconte des histoires, Blanche-Neige, Barbe-Bleue, La belle au bois dormant, et il raconte encore une fois quand elle lui quémande la même. Elle n’a pas compté les heures, elle ne sait pas depuis combien de temps elle est assise sur cette chaise, à contempler l’extérieur, elle trouve joli toutes ces nuances de gris mais répugne à toucher à son assiette. Maintenant c’est froid quand elle mâche les aliments, purée de carotte et lentilles. La pièce est vide, les quelques camarades sont parties parce qu’elles ont réussi à tout manger mais elle, elle y arrive pas. Elle rêve. Quand elle entend la porte s’ouvrir et une jeune fille s’installe à deux places en face. Elle a de beau cheveux roux, bouclés. Un visage de princesse, particulier, une sorte de reine de Sabbat comme Cléopâtre ou Salambo. Elle se souvient qu’elle a lu ce roman de Flaubert, qu’il avait beaucoup d’âme dans ce qu’il écrivait, ces fresques antiques, elle avait voyagé au fil des pages, posant des questions parfois sur tel ou tel mot dont elle ne connaissait pas le sens à monsieur Sokurov qui venait lui rendre visite certaines nuits.

Elle aimerait bien lui demander son prénom, d’où elle vient, si elle est nouvelle, Lila est affamée de contacts, elle qui n’en possède pas, des amies, juste pour pouvoir être comme les autres. L’inconnue semble distante, froide dans son apparence, sa posture, quelque chose de rigide comme si elle se protégeait des méchants. Elle a le droit de faire peur ? Peut-être qu’elle est impressionnée par ce personnage de chair et de beauté. Pourtant, courageuse, elle s’approche alors qu’elle en a pas le droit, qu’elle doit manger, que c’est obligatoire pour pas être encore plus punie mais elle ne peut s’empêcher d’être curieuse.  « Je te trouve très belle. » De sa voix des murmures, frêle et chantante, une voix féminine que le maître aime à entendre, tu as la douceur de la féminité, tout, chez toi, tient du miracle, Lila, lui dit-il quand il la prend sur ses genoux. Elle ne se rend pas compte que cette phrase, elle l’ouï de la bouche des messieurs avant les grands câlins, ceux qui font mal parce qu’elle doit écarter les jambes et être sage et pas trop bouger et pas pleurer. Des fois il y en a qui aiment bien, les larmes.  « Je m’appelle Lila. Et toi… tu t’appelles comment ? » Elle ne respire pas quand elle pose la question, tout d’un trait, le rythme de sa phrasée s’éclate dans la reprise de son souffle. C’est qu’elle aimerait beaucoup la connaître.
(c) corvidae
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Messaline Maraï

Messaline Maraï



Messages : 2
Date d'inscription : 01/12/2020

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Sujet: Re: Les mal aimées
Mer 9 Déc - 22:44

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les mal aimées
Chaque histoire possède son monstre, qui les a rendues dures plutôt que courageuse, et alors elles ouvrent leurs cuisses plutôt que leur coeur, là où est blottie et cachée la petite fille du passé
@"Lila Nabokov" & @"Messaline Maraï"

   Elle s’est levée dans cette prison de fer loin de ses obligations d’étudiante, loin de l’odeur du café et des bruits de pas dans les couloirs de son immeuble, les mères laissant leur gamin s’assagir au sein des trafics ni des hurlements des sirènes roulant sur l’asphalte. Son indépendance lui manque, cette liberté de traverser la rue sans demander de permission à un homme, être libre, verbe conjugué au passé. Les lueurs de l’hiver traversent les fenêtres toujours fermées, bien verrouillées. Elle voit les branches puis les arbres dans cette cour close ; elle a deviné la fonction de ce monument, un ancien cloître où les sœurs s’habillaient de vermeil afin de complaire leur seigneur, maintenant les femmes s’agenouillent devant le phallus puissant de l’homme et remercient d’avoir la vie sauve. Elle sait qu’elle est un peu orgueilleuse lorsqu’elle décide de rester à distance de son ancien ami, Misha vient la voir, de temps en temps, le reproche aux lippes et la colère de celui blessé. Elle ne pensait pas qu’il s’inquiéterait autant de sa santé, se remémore sa franchise lors de cette dangereuse question posée. Misha la tuera peut-être et cela ne lui fait rien. Apathique ou confuse, catatonique. L’on frappe à sa porte par politesse, le privilège certainement de la soumise d’un héritier aux mains longues, à la verve sanglante et froide. Alors l’homme se présente, bariolé de tatouages, des yeux austères, l’expression virile, féroce.  « Misha a ordonné que tu manges au réfectoire. » Le père a deviné l’intelligence, Messaline a l’élan de l’insoumise sous ses dehors obéissants ; les règles elle les contourne dans la discrétion. Silencieuse, elle admire les tableaux en traversant le Styx, des dédales de centaure aux pierres rugueuses, aux ogives gothiques, que c’est beau pense-t-elle. L’art la rassure, la berce, l’émerveille, la sauve d’une faucheuse proche à édicter ses maux ; puisque rien ne sert ni la vie ni les actes, Messaline restera de marbre.

Les tables sont drapées de nappes immaculées sur lesquelles des assiettes remplies, au centre une jeune fille, une unique. Cheveux de lin auburn, légèrement bouclés, elle possède le visage des romantiques, des bohèmes, le portrait d’un séraphin taillé dans les traits délicats. Elle semble rêver à l’ailleurs interdit, de princes ou de fée. Ses mains arrachent bout par bout la serviette de papier avant de reprendre la fourchette, de la planter puis de s’arrêter, et ses lèvres s’inquiètent dans une moue des candeurs avant de revenir affronter du regard cet ennemi qui la tourmente. Elle connaît ce fléau, ce besoin de s’intoxiquer au vide, de résister à la douleur du ventre criant famine, pour un peu de contrôle sur soi elle vendrait sa satiété. La faim hurle, gronde, tonne et jamais Messaline ne l’a écouté. La bouilloire fonctionnait sans relâche, le matin, le midi, le soir. Les sachets de thé et de tisane disparaissaient, comme les cigarettes qu’elle fumait en crise de boulimie, des mégots explosés dans un cendrier noyé de cendre. On lui propose une place à trois chaises de distance de cette inconnue. Le gardien, son travail effectué, retourne s’installer à une table où deux autres cerbères jouent aux cartes. Nul cylindre de nicotine viennent orner leurs lèvres, seuls leurs yeux scrutent, surveillent le bon comportement des soumises. Elle n’a pas encore compris le schéma de ce camp de concentration pour féminin, cette structure sur laquelle se repose le parrain. Car toute horreur suit des lois. Légumes et viande abondent dans le récipient de porcelaine, elle ne sait si elle mangera, mais cerne avec facilité les remontrances si jamais elle ne réussit pas.

Dans ses pensées, elle sursaute lorsque la phrase l’interpelle. Cette fameuse phrase de la bouche des déchus, des clients qui n’étaient pas les pires. Ils ne savaient que dire de plus que ce compliment, perdant leur mot face à la nudité qu’elle dévoilait. La petite la regarde, perdue dans son admiration pour elle, devine-t-elle.  « Lila c’est ton vrai prénom ? » requestionne-t-elle à la suite, bienveillante, son corps se décontracte, elle n’aimerait pas l’effrayer, elle semble si fragile, à fleur de peau, émotive. Quelques bruits, des raclements de gorges interceptent ce début de conversation, la silhouette gigantesque du gardien de leurs mœurs, elles se doivent d’être silencieuses, baisser la tête et manger. C’est là tout ce qu’on leur demande en les mettant dans cette salle éplorée. Quand les minutes emplies de calme et de docilité lui semblent suffisantes, il s’éloigne, retourne vers ces comparses. Il a lâché des paroles dans une langue qu’elle ne comprend pas, les mêmes sonorités de son pays natale pourtant ont conquis sa compréhension.
(c) corvidae
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