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 Chacun sa chimère

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Maryia Oulitskaïa

Maryia Oulitskaïa



Messages : 1
Date d'inscription : 23/11/2020

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Sujet: Chacun sa chimère
Lun 23 Nov - 9:57

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Terreurs enfantines devenues chair et cuir
Chaque histoire possède son monstre, qui les a rendues dures plutôt que courageuse, et alors elles ouvrent leurs cuisses plutôt que leur coeur, là où est blottie et cachée la petite fille du passé
@"Dante Morante" & @"Vi stygian"

    Dans le pays imaginaire l’on ne s’inquiète pas des horreurs des mains, sur le corps et sur l’âme, on ne s’inquiète pas des supplices et des châtiments ni des baisers dominant sur l ‘épiderme ; Rosa avait fermé son esprit, par ses pupilles voilées de songes, un lieu inaccessible. Elle n’était pas très intelligente, ni très maligne paraît-il, naïve oui.

    Il était apparu dans sa modeste boutique héritée de ses défunts parents dans un pauvre village d’Ukraine ; l’Ukraine, ce pays soumis à l’union soviétique, à la Russie, ce petit pays pauvre adjacent des territoires enneigés des steppes slaves, elle l’aimait son pays, mais désirait en partir car ici, les études disparaissaient sous les demandes impérieuses de la pauvreté. Elle arrivait à payer les charges, puis à bien manger, bien qu’elle possédait un appétit de moineau. Elle aimait bien s’habiller, lisait des magazines féminins aux conseils pour séduire la gente masculine, le maquillage, la beauté, seule valeur aux yeux des mâles. Maryia préférait les robes délicates de soie et dentelle, des robes aux nœuds angéliques sur le cou, dessinant sa silhouette, la modelant pour la valoriser. Le soir, devant l’écran de son ordinateur, elle suivait les tutoriels de beauté de ces jeunes youtubeuse dont elle admirait la persévérance, je pourrai faire ça aussi, se disait-elle souvent avant de vagabonder par la pensée, s’imaginant des futurs heureux afin de fuir sa vie quotidienne, morne, banale. Il était apparu dans sa modeste boutique, la barbe taillée et le visage fin des grands hommes, un pull, un manteau luxueux posé sur ses épaules. La voix grave, sentencieuse, placide. Il lui demanda conseil, posa quelques questions, Maryia répondit, dans son regard la lueur de la fascination. Elle ne pouvait décrocher son œil du charisme de l’apparition. Intimidé. Honorée de cet être pénétrant les murs de son échoppe, il tendit la main sur les costumes cachés, qu’elle préservait. Ils sont pas très beaux, je suis encore débutante dans la couture. Alors il lui dit qu’elle avait un certain don, les mélanges des bruns et de l’ocre, la facture des plis et de la couture, les formes assez originales. Elle rougit. Recevoir une analyse si construite relevait du miracle. Et, lorsqu’il ancra son orbe dans celles timides de la jeune fille, il lui donna son numéro de téléphone, l’invita à déjeuner le lendemain, nous pourrons discuter, je suis directeur d’une école de styliste à New York. Mais je pense que je ne suis pas douée, ça ne servirait à rien. Devant un homme, la femme se soumet, se réduit.  

      Dans le pays des merveilles, on dessine des arabesques de simplicité, on esquisse des routines obéissant aux lois de la captivité ; Rosa entend des voix qui l’appellent, des compagnes, des sœurs, des nouvelles parfois arrivent, tout aussi effrayées qu’elle. Elle se souvient quand elle a franchit les portes du pandémonium, ses larmes encore humides sur les joues livides, elle eu du mal à se lever. 

      Elle ne désire pas se souvenir de l’immeuble insalubre dans lequel on les emmena, elles étaient trois, puis quatre, puis cinq, dans le lot, une enfant que l’on drogua avant de l’emmener dans une autre voiture, elle entendit des noms de fleurs, le jugement dans l’oeil quand on les présenta dans la grande salle blanche, usée, à la peinture écaillée. Elle ne veut pas se souvenir mais c’est un peu la même chose, elle subit tous les jours Maryia, les mains qui touchent son corps, les souffles rauques sur son cou. Certains clients l’aiment bien car elle raconte des histoires qu’elle partage parfois, avec les rares qu’elle apprécie. On la juge dans le dortoir, quand elle s’allonge sur son lit, admire le plafond. C’est comme ça que tu fais pour séduire Misha, tu fais l’étoile de mer ? Elles rient mais elle ne les entend pas. La passivité comme défense a toujours fait fuir les vœux de prouesses mesquines des jalouses, mais Maryia, profondément naïve, se remet en question car elle sent le gouffre lors des rendez vous avec l’héritier. Elle lui a demandé de nombreuses fois, depuis deux ans déjà, s’il la sauverait, qu’il la libérerait de ces cloisons. Et il disait oui mais pas tout de suite, bientôt. Et le bientôt ne venait jamais. Elle l’aime pourtant, elle ne cesse de se convaincre qu’elle l’aime. Croque des imaginaires, des scènes, des souvenirs avec lui qu’elle transforme afin de les accepter. Moi je l’aime et il m’aime. Parce que les hommes qu’elle avait fréquenté, son père, son frère, ses frères, ses anciens amants, son fiancé, avaient toujours la main bienfaisante, le baiser tendre sur le front mais les paroles condescendantes, parfois la violence dans le grain de voix, tu ne sais pas de quoi tu parles femme, ferme là un peu. Mais c’était de l’amour, tout comme les coups de rein et la longueur du coït. Pour lui faire plaisir sans le dire, surtout pour se soumettre afin de, peut-être, obtenir sa chimère, la liberté, Maryia obéit avec le sourire des rêveuses, car elle a assimilé les couples comme cela ; la femme se doit de prendre soin de l’époux. C’est vrai qu’elle n’est pas mariée avec lui, mais quand elle songe à la douceur d’un foyer, elle visualise deux enfants babillant, joyeux et Misha rentrant du travail. Elle s’accroche aux chimères qu’elle se dit réelles. Tu me sauveras, j’ai besoin de toi car toi seul possède les clés de ma liberté et tu m’aimes et je t’aime.


(c) corvidae
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