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Orphée Lessing

Orphée Lessing



Messages : 1
Date d'inscription : 23/11/2020

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Sujet: LAMB
Lun 23 Nov - 11:17

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LAMB
Chaque histoire possède son monstre, qui les a rendues dures plutôt que courageuse, et alors elles ouvrent leurs cuisses plutôt que leur coeur, là où est blottie et cachée la petite fille du passé
@"Dante Morante" & @"Vi stygian"

    Il y avait le loup, il y avait l’agneau.
Elle était l’agneau, il était le loup.
La définition simple d’une jeune fille dans un cabinet, face à cet homme dont elle ne connaissait rien.

 Il y avait l’agneau et je suis l’agneau. Dit-elle. Il n’est pas la peine de préciser qu’elle est assise, sauvage, ses cheveux bouclés encadrant son visage d’ange, sur un fauteuil de cuir, prêt à partir précipitamment, à fuir. Elle scrute, observe, l’expression ensommeillé d’une fatigue nerveuse, apeurée. Vous m’avez proposé de venir ici parce que vous considérez que je suis malade… Non. Pas malade. Vous aviez employé un autre terme que j’ai réfuté. Voir ses parents mourir sous ses yeux, ne plus s’en souvenir, croire que je les ai tué, comme une psychopathe, comme une damnée. En fait, vous, vous ne savez pas ce que ça fait. Il y avait l’agneau et je suis l’agneau mais je suis aussi le loup. Puisque tout le monde me considère comme une suspecte. Après tout, on m’a trouvé vivante, assommée, certes, mais vivante. Après ils ont su que mon père n’était pas l’homme modèle qu’il prétendait être. Son regard, elle le cache de ses orbes, un puits d’enfer, rouge braise. Arrêtez de me regarder. Ça me dérange. Elle se sent jugée. Elle rougit, s’efforce d’arrêter les larmes, traîtresses roulant sur ses joues. La bonne vieille histoire de pleurer pour soulager les peines. J’aimerai me dire que je ne ressens rien. Être un automate. Ses pieds battent le sol en longs sursauts, de sautillements, elle secoue ses jambes, stressée. C’était une mauvaise idée.

 L’enfant s’est réveillée sur lit d’hôpital, des liens à ses poignets et cet homme près d’elle, il portait un costume trois pièces, la chemise, la veste, le pantalon côtelé, le visage ridé, maniéré, la voix d’un centaure, grave et enrouée par la nicotine ou les cigares. Rigide les bras croisés, il lisait. Elle a bougé pour signaler sa présence, pour se débarrasser de ses entraves. Elle s’est humecté les lèvres, elle avait soif. Elle a demandé de l’eau qu’il lui a donné, doucement elle a appuyé sur le rebord du verre, elle a senti l’onde fraîche dans sa gorge puis elle s’est sagement rallongée. Les pleurs ne venaient pas, ses dernières images valsaient, formaient un météore de confusion. Les murs livides renvoyaient son vide dans ses mains tremblantes, mais où suis-je. Elle ne lui a pas parlé ce jour là, elle ne l’a pas regardé. Il était cette présence dont elle refusait l’existence. Telle une fumée malsaine envahissant sa lucidité, conquérant son raisonnement, il poursuivait de son silence son questionnement. Elle est restée dans cette chambre humide pendant une semaine, les médecins en blouse blanche, les policiers, les assistantes sociales se succédaient, il n’était pas revenu.      

 Vous m’avez retrouvé, j’étais prostrée, je ne savais pas parler, les mots sortaient de ma gorge comme une bouillie, je mélangeais les noms, les adjectifs, les sonorités, j’avais perdu… Elle ne continue pas, son corps plié, ses genoux contre son torse, elle s’est stoppée en pensant à ce moment de tristesse, tristesse intense, douloureuse tristesse comme un ulcère de cornée qui, lorsqu’on ouvre les paupières bondit de ses milliers de lames sur l’oeil éveillé. Je ne me souviens pas. On dit que je fais de l’amnésie, les infirmiers tentent de me rassurer ils ne font que remuer la plaie, je ne me souviens pas et ça ajoute à ma douleur. Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté un rendez vous avec vous, vous qui venez me voir si souvent pour veiller sur mes cauchemars. Je ne vous connais pas et vous ne réagissez pas comme un psy. Il ne la regarde pas alors qu’elle fixe ses mains si rudes, si fermes, si ridées, elle voudrait le questionner, quel âge avez vous donc, vous aux agates si dépressives mais si narcissiques ? La seule chose dont je suis sûre, c’est mon prénom, Orphée. Et le silence tout autour s’ébruite, stagne, s’amplifie dans les minutes du reste de l’entretien.
 
 Elle chantait dans la douche, elle hurlait pour embêter son frère, lui qui attendait cognant la porte de l’unique salle de bain de la maison. Puis un soir tout s’est arrêté, le temps comme un poison, le meurtrier avait tiré d’une balle dans la tête, les trois corps gisant, cadavres suffoquant dans la terreur des oiseaux qui pépiaient sur les arbres. Un merle mangeait les troncs, attaquait la sève, tandis que le hibou familier hululait comme à son habitude. Mais le temps s’était arrêté, évanoui net dans une vision d’horreur. Ils ne bougeaient plus. Le sang de l’hydre coulait coulait coulait, arrosait les stries du parquet. Paralysée elle ne sut que dire que faire, elle ne sut qu’atteindre le téléphone, dans sa main le cellulaire, elle était absorbée par le ruisseaux croissant du sang dans les lames du parquet. La présence du meurtrier s’enfouissait dans le mutisme des arbres tout autour de la maisonnée, elle était seule, effroyablement.

 Le loup embrassait l’agneau de son œil avide
 L’agneau tremblait, il tenta de fuir.

 Elle semblait de marbre, le sourire timide à ses lèvres et le silence comme arme, elle observait les passants, elle observait ses proches, elle réfléchissait des heures durant allongée sur son lit, ses jambes battant la musique du rythme des mots qu’elle lisait. Hypersensible, elle se cachait des jugements, terrorisée par les doigts qui se penchaient, les lippes qui chuchotaient, elle craignait qu’on ne démasque en elle la nostalgie d’une place inexistante. Autour de ses camarades, elle entendait les mots, les bruits, les commérages, les anecdotes qu’elle considérait futiles sur la vie, elle entendait les rumeurs et les inquiétudes. Dans la maison vide, elle tremblait, elle pleurait, vide ses mains qui frissonnaient lorsqu’elle tentait de cuisiner, alors elle se sauvait. L’enfant joie se transformait, l’enfant triste volait la joie, le sourire disparaissait. Orphée ne supportait plus le masque qu’elle arborait quotidiennement devant ces silhouettes qui ne la comprenaient pas. On lui avait dit qu’elle était précoce, qu’elle avait un cerveau différent de la norme, qu’elle avait un profil rare de ceux des génies. Acculée, elle regarde le monde depuis sa fenêtre, la maison vide éructe son drame, la tombe de sa famille dans son jardin immense. Elle a souhaité retrouver l’absence, le démon de son traumatisme pour retrouver les souvenirs, téméraire jeune fille, provocante dans le doute de ses songes. Le reste lui appartient, elle désire chercher, toute sa vie s’il le faut, chercher les lambeaux de cet évènement. Comprendre. C’est le mot de son héritage, de sa personnalité, comprendre le monde et ses dérives, la beauté et tentations, comprendre pour posséder l’infime et l’éternel.


(c) corvidae
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